Ethiopie-Erythrée : Des chars érythréens dans la zone tampon
par Antonio
Garcia
Les Nations unies ont sommé lundi le gouvernement érythréen de retirer
ses 1 500 soldats et ses 14 chars déployés dans la zone tampon située
le long de la frontière avec l’Ethiopie. Kofi Annan dénonce une
violation grave du cessez-le-feu, conclu en 2000 à Alger, pour mettre
fin à la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée qui avait fait au moins
80 000 morts depuis 1998. En réponse, le gouvernement d’Asmara se
contente de répondre qu’il a envoyé ses troupes dans cette zone pour
procéder à des récoltes agricoles ce qui n’apaise en rien la
consternation internationale.
A Zalembesa, un soldat éthiopien surveille la frontière contestée.
Addis-Abeba dénonce l'incursion érythréenne dans la zone temporaire de
sécurité qui commence à deux kilomètres de là.
C’est la Mission des Nations unies en Ethiopie et en Erythrée (Minuee) qui a relevé lundi la présence militaire érythréenne dans la Zone de sécurité temporaire (ZST). Longue de 1 000 kilomètres et large de 25 kilomètres, celle-ci est démilitarisée, c’est-à-dire formellement interdite aux troupes des ex-belligérants. Seuls les casques bleus peuvent y circuler. Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU, se déclare très préoccupé par cette incursion érythréenne qui pourrait remettre en cause le processus de paix.
Addis-Abeba minimise
Asmara, rejette toute accusation de «violation grave», le ministre érythréen de l’Information, Ali Abdu, déclarant même à l’Agence France Presse que «c’est en ce moment la période des récoltes après l’été et l’armée se trouve dans cette zone pour participer aux récoltes. (…) Si la récolte n’est pas faite, elle sera perdue et cela aura des conséquences graves pour notre programme de sécurité alimentaire». Bien évidemment, Addis-Abeba peine à croire que des véhicules blindés tiennent lieu de tracteurs dans des travaux champêtres où les soldats érythréens se feraient paysans. Pour autant, le Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi assure qu’il n’entend pas «répondre à ces provocations mineures».
Les autorités éthiopiennes récusent les surprenantes explications érythréennes, indiquant qu’elles s’attachent à «surveiller attentivement la situation actuelle». Selon les termes de l’accord conclu à Alger il y a bientôt six ans, les deux Etats rivaux s’étaient en effet engagés à respecter le tracé de la frontière commune. Mais Addis-Abeba contestant le verdict international rendu le 13 avril 2002 à La Haye et attribuant Badmé à l’Erythrée, le marquage physique de la frontière entre l’Ethiopie et l’Erythrée n’est toujours pas effectif.
Différend frontalier
De leur côté, en octobre 2005, les autorités érythréennes avaient décidé d’interdire le survol de leur territoire par les avions et les hélicoptères de la Mission des Nations unies chargée de l’observation du cessez-le-feu. Asmara avait aussi interdit aux casques bleus américains et européens de pénétrer en territoire érythréen, ce qui a provoqué une réduction des effectifs de la Minuee qui sont passés, au printemps dernier, de 3 300 à 2 300 hommes. Vu d’Addis-Abeba, tout cela présageait d’une volonté érythréenne d’en découdre à nouveau pour régler le différend frontalier. En même temps, il ne déplait sans doute pas à Addis-Abeba de voir Asmara prise en flagrant délit.
Pour sa part, depuis le 14 octobre dernier, Asmara a les mains libres côté Soudan, depuis la signature sous son égide d’un accord de paix entre Khartoum et les rebelles soudanais du Front de l’Est auquel l’Erythrée apportait son appui.
Source : RFI actualité, 17 octobre 2006