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Toi qui viens d'Ethiopie...
18 juillet 2007

Une trentaine d'opposants sont condamnés à la prison à vie

par Jean-Pierre Tuquoi

La Haute Cour fédérale de justice d'Ethiopie n'a pas suivi le réquisitoire de l'avocat général. Le 9 juillet, celui-ci avait créé la surprise en réclamant la peine capitale contre 38 membres de l'opposition poursuivis pour "complot contre la Constitution""incitation à une rébellion armée".

Dans l'arrêt rendu lundi 16 juillet, la Haute Cour a condamné à la prison à perpétuité 35 des prévenus (dont cinq jugés par contumace). Six autres ont écopé de quinze à dix-huit ans d'incarcération, et deux de peines de une à trois années de prison.

Les accusés avaient été arrêtés en 2005 alors que l'opposition manifestait dans les rues d'Addis-Abeba, la capitale, contre le régime du premier ministre, Meles Zenawi, accusé d'avoir manipulé les résultats des élections générales - les premières sous le régime du multipartisme. L'opposition estimait s'être fait voler la victoire. En quelques jours 193 personnes avaient été tuées.

Parmi les personnalités condamnées, lundi, à la réclusion à perpétuité figurent Hailu Shawel, vieux chef du principal parti de l'opposition, la Coalition pour l'unité et la démocratie (CUD), et le maire (élu) d'Addis-Abeba, Berhanu Nega, par ailleurs responsable lui aussi de la CUD.

Même atténué, le verdict a surpris par sa sévérité. Depuis le début de l'année, la plupart des personnes incarcérées lors des événements de 2005 ont été libérées. Et les charges retenues contre les inculpés avaient été requalifiées dans le sens d'un apaisement. Il n'était plus question de "génocide" ni de "trahison". Les espoirs déçus expliquent les commentaires sévères de la communauté internationale. Aux Etats-Unis, le porte-parole du département d'Etat a appelé les autorités à "envisager sérieusement la clémence" au nom de la réconciliation nationale.

Interrogée par la BBC, Ana Gomes, qui dirigeait la mission d'observation de l'Union européenne (UE) lors des élections de 2005, a parlé de son côté d'un verdict "grotesque" et "cruel". "Leur seul crime a été d'exprimer librement leur opinion dans le cadre d'élections qui étaient supposées libres", a-t-elle ajouté, avant d'appeler les autorités de l'UE à oeuvrer en faveur de la libération des personnes condamnées.

Que les condamnés recouvrent prochainement la liberté n'est pas exclu. Le ministre de l'information éthiopien, Simon Bereket, a indiqué que le gouvernement examinait cette possibilité car, selon lui, "les prisonniers ont admis (...) avoir essayé de renverser le gouvernement par la force et ils ont imploré la clémence". Les familles des personnes condamnées ont confirmé que leurs proches avaient signé un document qui rend possible une libération.

Elle serait de l'intérêt du chef du gouvernement, confronté à une série de problèmes : l'enlisement de l'intervention armée éthiopienne en Somalie, le pays voisin, pour en éliminer les islamistes ; le regain de tension avec l'Erythrée, autre pays voisin ; les menées séparatistes de divers groupes armés à l'intérieur même de l'Ethiopie.

Surtout, la lourdeur des peines prononcées lundi ternit l'image d'un pays dont les Etats-Unis ont fait leur principal allié dans la lutte contre le terrorisme dans la Corne de l'Afrique. Les quelques succès obtenus dans le domaine du développement risquent d'être oubliés face au durcissement continu du régime.

Source : Le Monde, 18 juillet 2007

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