Corne de l’Afrique : « Chaque année, les bergers sont sur le fil du rasoir »
Au-delà de la réponse à la crise de cette année, Keith McKenzie
explique pourquoi les populations de bergers sont particulièrement
vulnérables aux aléas climatiques.
Quel rôle jouez-vous dans la réponse apportée par l’Unicef à la sécheresse de cette année ?
Je
suis le conseiller spécial de l’Unicef pour la crise de la Corne de
l’Afrique. Cette crise touche 5 pays : la Somalie, l’Ethiopie,
l’Erythrée, Djibouti et le Kenya. Je suis en contact avec les
représentants de l’Unicef dans ces pays et je suis chargé de proposer
la réponse la plus appropriée à la crise. Ma carrière m’a habitué aux
situations d’urgence. J’étais précédemment en poste au Darfour.
Comment se caractérise cette crise dans la Corne de l’Afrique ?
Aujourd’hui,
16 millions de personnes sont touchées par la sécheresse, dont 8 ont
besoin d’une assistance directe. Sur ces 8 millions, environ la moitié
sont des enfants, et 1,2 ont moins de 5 ans. C’est un nombre
impressionnant. Ce sont les populations de bergers qui sont les plus
touchées. La sécheresse a décimé leur bétail, qui n’a plus ni eau ni
herbe pour se nourrir. Les bergers n’ont plus de viande pour
s’alimenter mais surtout plus de bêtes à vendre sur les marchés. Ces
communautés se retrouvent sans ressources et entièrement dépendantes de
l’aide internationale. L’intervention de l’Unicef porte sur l’eau
– systèmes d’approvisionnement au niveau des villages et envoi de
camions citernes – et sur un programme de nutrition afin de venir au
secours des enfants dont la vie et le développement sont menacés.
On
entend souvent parler de sécheresse dans cette région du monde. Est-ce
une fatalité ou bien y a-t-il moyen de faire changer les choses
durablement ?
Les conditions climatiques de ces
pays sont difficiles, la situation politique est compliquée mais ces
éléments n’expliquent pas à eux seuls pourquoi la crise prend de telles
proportions. Si des appels sont lancés régulièrement depuis des
dizaines d’années, c’est que les populations de bergers sont sans arrêt
sur le fil du rasoir. Elles sont nomades. Comment leur offrir des
services qui leur permettent de se protéger à long terme si elles se
déplacent chaque année ? Comment construire des hôpitaux, scolariser
les enfants ? A la moindre sécheresse, ces populations se retrouvent
menacées. L’Unicef essaie justement de saisir l’occasion de cette crise
pour adapter ses pratiques et leur offrir une meilleure protection
aujourd’hui et dans l’avenir, en les assistant par des équipes
itinérantes : l’enjeu est d’être mieux armés pour faire face à leurs
difficultés cette année et lors des prochaines sécheresses.
Source : UNICEF, 12 mai 2006